Décès de Saïd Karamani : Condoléances de l'ASAFI

15/09/2020


Décès de Saïd Karamani : Condoléances de l'ASAFI

Nous venons d'apprendre la triste nouvelle du décès, ce 11 septembre 2020, de Monsieur Saïd Karamani à l'hôpital suite à une longue maladie.

Il sera enterré le 16 septembre 2020 au cimetière de Thiais.

Coordinateur de l'ASAFI durant de longues années Saïd Karamani a été l'un des piliers de notre association. Saïd Karamani était de ceux qui forçaient l'admiration de tous par les valeurs qu'il défendait et qu'il savait faire partager autour de lui.

L'ASAFI ne manquera pas de lui rendra l'hommage qui convient.

En mon nom propre et celui de tous les membres de l'ASAFI je tiens à exprimer à la famille de Saïd Karamani et à tous ses proches nos plus sincères condoléances.

Mourad ALLAL

Président de l'ASAFI



Nous reproduisons ci-dessous l'hommage que lui rend son ami et ancien secrétaire-général de l'ASAFI, Moh TIZA

"Hommage à Saïd Karamani

Moh Tiza

Habituellement, c'est mon cher ami Saïd Karamani qui est là, à ma place pour accompagner les partants. Je suis triste de prendre sa place ... mais c'est aussi un privilège, un triste privilège de le remplacer... à cette tribune. Juste te remplacer mais loin de moi l'idée de t'égaler mon cher Saïd : c'est comme si, moi, Moh Tiza, je mettais un short et des chaussures de foot et on me poussait sur le terrain pour remplacer à la 78 ème minute (Saïd venait juste d'avoir 78 ans) Mbappé ! Mon cher Saïd, tu es un « monstre sacré » irremplaçable.

Saïd taعna, comme je t'appelais souvent, nous nous connaissions depuis plus d'un demi-siècle et notre amitié profonde est devenue illimitée depuis cette cochonnerie de tumeur : depuis 25 mois, nous passions plus d'une heure, chaque soir, à échanger au téléphone. Tous les sujets étaient abordés, sauf ... ta maladie. Il est vrai que nous avions des passions communes telles que le sport, notamment le foot, le tennis et le cyclisme (la 13 ème étape du Tour de France, jour de ton départ, était fabuleuse avec 5/6 cols de 2ème et 3 ème catégorie !). Chaque vendredi, nous décortiquions les manifestations du Hirak et nous attendions avec impatience les suivants. Par ailleurs, nous avions apprécié à leur juste valeur les analyses de Saïd Sadi. Souvent, j'orientais l'échange vers l'histoire de l'Algérie, domaine de ta prédilection. Là, ta précision des mots, des dates, des lieux, des faits, des hommes, devenait chirurgicale et le récit, soutenu par des enchainements harmonieux et ta voix apaisée, devenait plus que vivant... alors que le corps physique déclinait de jour en jour ...

Passeur, est un terme qui te sied parfaitement mon cher Saïd.

Tu as toujours été aux carrefours des vulnérables pour consoler, tendre la main, soutenir les plus désorientés. Dès ta pré adolescence, ta tendance à aller vers l'autre était déjà présente. Elle a commencé avec les conséquences calamiteuses de cette guerre sans nom et s'est poursuivie après « l'indépendance » (?), notamment durant la décennie noire... N'as-tu pas soutenu des familles démunies avec jeunes enfants à qui les gendarmes ont brulé les maisons parce que les grands frères « a pris le maquis » ? .... Jusqu'au jour où tu devais partir, à ton tour, parce que ta vie était en danger.

A Paris, rebelote... Les rejetés de l'indépendance algérienne affluent et les demandes d'aide te submergent. Que de lettres, demandes à la Sécurité sociale, aux Caisses d'allocations familiales, aux préfectures, aux hôpitaux, aux assistantes sociales, de certificats d'hébergements, d'attestations de tout genre, de cautions, ... Ton appartement était devenu, à un certain moment, un foyer de vie et d'hébergement et ton nom était connu au-delà même des frontières de Tizi.

Passeur, disais-je ? Je t'imaginais très bien sur un terrain de foot, au milieu de préférence, entrain de distiller le ballon qui, par magie, devient vivant, car, pour toi, l'art de jouer, le beau jeu, comme tu le dis souvent, l'emporte sur la victoire. Tu prévoyais même de créer des règles de jeu où il n'y aurait pas de perdants mais des gagnants/gagnants !

Ton monde, mon cher Saïd, ignore les exclusions, les divisions, les rejets, ... ou du moins, les considères - tu comme des contingences éphémères, des survivances, certes tenaces, mais fondamentalement appelées à disparaitre avec le temps. A contrario, tu encourageais, développais les liens, des ponts et des jonctions : grâce à toi, j'ai tissé des centaines d'amitiés profondes.

Les produits finis, clés en mains, les buteurs qui ne sont que des guetteurs, les joueurs de coude, comme l'arbre qui cache la forêt, ne sont que poudre aux yeux ; Les bâtisseurs, les concepteurs, les véritables artisans, ne sont pas en première ligne. Saïd, discret que tu étais, tu faisais partie de cette noble et belle classe où le collectif l'emporte toujours sur l'individuel ; la tricherie, la corruption, les pratiques mafieuses, le faux-semblant, les brasseurs d'affaires, s'excluant d'eux-mêmes de ton cadre, oh ! combien honnête !

J'ai essayé ces derniers temps, par curiosité, de comprendre ta personnalité, de déterminer les origines de cette énergie singulière qui t'anime. En fouillant « ta caisse à outils », j'ai trouvé trois valeurs incontournables. Au fait, je ne parle pas de cette caisse fonctionnelle nécessaire à tout bricoleur ...Dans ce domaine, mon cher Saïd, et tes enfants ne me contrediront, tu n'excelles pas du tout : tu ne sais même pas par quel bout prendre un tournevis, un marteau. Je vois d'ici ce regard noir dirigé contre le Pc qui « ne veut pas démarrer » ... alors que l'alimentation n'était pas branchée ou cette télé qui décide de tomber en panne au moment où le match Barça / Réal allait commencer ... Bien sûr, il y a toujours un coupable ou plutôt un bouc émissaire : c'est ta fille Nadia, même si elle n'était pas présente !

Je veux parler de cette autre caisse à outil invisible et qui contient les éléments qui te fondent et qui sont ta raison d'être. L'élément premier est cet esprit -farfouilleur au sens noble- qui questionne, qui « malaxe » les faits et les êtres pour comprendre le réel, tout en sachant, que les faits sociaux et les hommes ont des valeurs intrinsèques, mais leur véritable valeur est dans la relation et la jonction. Zidane a une valeur en tant qu'homme ; Mais sa véritable valeur créatrice est sur le terrain avec les autres.

Le deuxième élément est un cœur débordant d'humanité. Il est facile à visualiser, à percevoir, notamment quand il est en mouvement auprès des souffrants. Son origine ? Là, désolé, ma connaissance est limitée, ... Quoique, je soupçonne la maman de Saïd d'être la maitresse d'œuvre.

Le troisième outil, d'une beauté à couper le souffle : La plume de Saïd.

D'abord, sa graphie : au fait, Saïd n'écrit pas, il calligraphie ! En témoignent une centaine de cartes postales que j'ai reçues. Il serait souhaitable que Omar Cheikh, et Moh Haouchine, amis libraire et journaliste réunissent les écrits éparpillés de Saïd pour une exposition. Bien sûr, avec l'accord des enfants de Saïd.

Quand saïd produit de l'écrit, notamment administratif, il passe en premier par l'écriture manuscrite qu'il aseptise, par la suite, après dans Word.

Voila. Un esprit et un cœur débordant d'intelligence et d'humanité, organisé par une plume transcendante.Quelle belle alchimie créatrice!

Saïd taعna, je ne peux pas faire autrement que te dire la vérité : ton départ me bouleverse. Le passé et le présent se bousculent dans ma tête. Je ne sais plus si tu es là ou là-bas.

Repose en paix l'Artiste.

Moh Tiza

la photo a été prise sur le site du JSD